Roglit, la mémoire pour la Vie

24 avril 2017
Pasteur Gérald Fruhinsholz

Yom hashoah – Ranimer la flamme du souvenir, revivifier la mémoire en Israël émane d'un impérieux devoir… Pour ne pas oublier, pour ne pas laisser mourir encore des millions d'êtres chers, parents, enfants, vieillards, disparus en fumée et en cendres, formant une multitudes de noms à jamais gravés sur des murs. 

Roglit est le Mémorial des Juifs de France : quelques 80 000 noms y sont inscrits, non plus par convois, mais par ordre alphabétique, regroupant ainsi les familles qu'il importe de faire revivre… le trou noir de la Shoah se doit d'être éclairé par l'énergie vivante du souvenir. 

 

Hélène le Gal, madame l'ambassadeur de France

Roglit est le passage obligé pour tout ambassadeur de France à l'occasion de Yom hashoah. Hélène le Gal n'a pas dérogé à la règle, et a affirmé d'emblée la responsabilité de la France, dont voici quelques mots : 

« Oui, la France est responsable de la déportation des Juifs de France… de la rafle du Vel d'Hiv'. 

Oui, la France a commis l'irréparable… Oui, elle a livré ses protégés à leurs bourreaux.

Les valeurs de la France ont été trahies, et son honneur n'a été sauvé que par les milliers de Justes qui ont caché et sauvé des centaines de Juifs….

L'antisémitisme n'est pas une opinion, mais une aberration… »

Ensemble, Hélène Le Gal et Beate Klarsfeld, ont rallumé la flamme du souvenir, avant que toute l'assemblée ne chante d'un seul coeur la Marseillaise et l'hymne israélien, l'Hatiqvah.

 

Beate Klarsfeld, la résistante

On se souvient de l'épisode incroyable de Beate Klarsfeld giflant le Chancelier allemand Kurt Kiesinger, ancien nazi au pouvoir en 1968. 

« Je suis une jeune Allemande, mariée à Serge Klarsfeld, et je suis révoltée contre l'injustice et l'impunité dont bénéficient d'anciens nazis en Allemagne, dont Kurt Georg Kiesinger, élu chancelier en 1966. Ce 7 novembre 1968, l'occasion m'est enfin donnée de faire ce geste symbolique » (lire son témoignage)

Ce geste, mûrement réfléchi, fut un symbole extrêmement fort pour Beate Klarsfeld, une revanche pour toutes les victimes du nazisme.

« Je lui ai asséné une gifle à toute volée ; il s'est pris le visage dans les mains. L'image est symbolique. Le geste l'est aussi : j'ai l'âge des filles d'anciens nazis qui voudraient, dans leur inconscient, infliger la même punition à leur père. Je suis arrêtée et condamnée à un an de prison ferme ! Je rappelle au juge ma double nationalité et je lui conseille de ne pas me jeter en prison. Une heure plus tard, je suis libre… Une semaine après, je me rends à Bruxelles pour faire campagne contre Kiesinger qui doit parler devant les dirigeants de l'Otan. Quand il prend la parole, les insultes pleuvent, l'obligeant à se taire. Sa carrière politique est ébranlée. En 1969, c'est Willy Brandt, un ancien résistant, qui devient chancelier. Il m'amnistie aussitôt. Aujourd'hui, la photo de la gifle se trouve au musée de l'Histoire allemande »

Les Klarsfeld sont une famille de résistants. Un article de La Croix nomme Serge et Beate Klarsfeld, les "architectes de la mémoire" : 

« Le plus fondamental pour moi, a écrit Serge, est d'avoir fait rentrer dans l'histoire le rôle de Vichy dans la déportation des Juifs tout en montrant – j'insiste – qu'il y avait aussi d'autres Frances, celle des résistants, celle des Justes qui ont contribué à sauver près des trois quarts des juifs de l'Hexagone ».

L'autre grande réalisation de l'historien tient au Mémorial de la Déportation des Juifs de France. Grâce à un titanesque travail d'archiviste, Serge Klarsfeld a réussi à consigner les noms, destins et visages de chaque Juif de France déporté. 75 721 victimes ont ainsi été arrachées à l'oubli. Le Mémorial leur offre désormais une forme de sépulture symbolique.

De nos jours qui redeviennent sombres, souvenons-nous de cette gifle magistrale de Beate Klarsfeld, c'est un geste de résistant. En tant qu'amoureux d'Israël, l'on se doit d'imiter cette force de caractère, comparable aux héroïnes de la Bible – Déborah, Yaël, Tamar, ou Rahab – en étant forts face aux accusations des nations. Israël l'est aujourd'hui, il est non seulement un modèle de démocratie, mais une modèle de vie, car, malgré la shoah et tant de persécutions, le peuple juif respire l'amour de la vie et de l'espoir en l'humanité. 

 

Souviens-toi – Zakhor !

Le Zakhor – "souviens-toi" est un commandement biblique – D.ieu interpelle le peuple juif: "Souviens-toi de ces choses, Jacob !" – Esaïe 44:20

Mais, il arrive aussi qu'Israël interpelle D.ieu : "Souviens-toi, Seigneur! de l'opprobre de tes serviteurs, souviens-toi que je porte en mon sein tous les peuples nombreux ; Souviens-toi des outrages de tes ennemis, ô Eternel ! De leurs outrages contre les pas de ton oint" – Psaume 89:51.

Si Israël est le peuple de la mémoire, c'est aussi pour en être le miroir des nations, rappelant à celles-ci la noirceur de leur âme, pour les amener à changer, en un …  "plus jamais ça !".  

 

Toda raba, Israël !





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